La légende des diables et des macrâles

Texte de J-L Troquet

Autrefois, parmi les nombreuses grottes du Fond des Vaulx, il y en avait une qu'on appelait « le Trou des Démons ». On racontait qu'elle communiquait avec l'enfer et que, la veille du jour de la Toussaint, des Diables l'empruntaient pour visiter notre monde.

Un jour un certain Philémond Gaspard, habitant la Porte-Basse, Marchois sans peur et sans reproche, voulut en avoir le cœur net. Le jour dit, il alla se cacher aux environs de la grotte. Quelle ne fut pas sa surprise de voir bientôt arriver une, puis deux, puis trois femmes vêtues de leurs plus beaux atouts. Il en reconnut quelques-uns unes, qui avaient mauvaise fame et étaient réputées Macrâles. Quand elles furent treize, les arrivantes se groupèrent près de l'entrée de la grotte et se mirent à chanter d'étranges mélopées.

Enfin le douzième coup de minuit sonna : une lueur rouge emplit le fond de la caverne et Philémond en vit sortir treize diables tous plus laids les uns que les autres. Et les voilà partis, diables et macrâles, bras dessus et bras dessous : on dit qu'ils se rendirent au Pré des Faules, pas très loin du Monument, pour un sabbat effréné.

N'écoutant que son courage, notre Philémond regagna la bonne ville de Marche et s'en alla tambouriner à la porte du doyen. Celui-ci mis au courant, prit sur le champ les décisions qui s'imposaient.

Lorsque, quelques minutes avant le chant du coq, alors que le ciel rosissait sur les hauts de Champlon, les diables voulurent regagner leur enfer, ils trouvèrent l'entrée de la grotte barrée d'une croix. De plus de l'eau bénite y avait été répandue à profusion. Poussant de terribles cris de rage et de désespoir, ils s'égaillèrent dans la campagne voisine.

Que devinrent les démons ? Certains disent qu'ils firent souche et fondèrent un village des environs, dont je tairai le nom pour ne pas m'attirer l'animosité de ses habitants, connus par leur caractère peu commode. D'autres affirment qu'ils perdirent toute substance et errent du côté du Bois Laguesse ou du Trô thi Ô fosses, où ils tentent de s'emparer du corps du promeneur distrait. D'autres encore prétendent qu'à date fixe ils s'efforcent d'investir la ville de Marche dans le but de se venger. Quant aux Macrâles, on les brûla. On raconte qu'on apercevait les flammes du bûcher depuis les hauts d'Oppagne et du Pas-Bayard.